ToiMoiNous

Exposition au Centre Maayan, 10/14 rue Moufle, Paris.

Communiqué de presse, par Lise Marzouk

Sur le mur de séparation de la grande salle de parole, des bouches, fragments de porcelaine et d’argile, engagent un dialogue silencieux.
Ce mur a d’abord retenu l’attention de l’artiste par sa fonction de modulation de l’espace, permettant de définir un lieu tantôt intime tantôt ouvert . Mais c’est surtout par sa vocation à capturer les sons, emmagasiner les voix, saisir les paroles, instants de vie fugaces, qu’il s’est fait le socle idéal pour suspendre ces bouches de terre, comme autant de mots pétrifiés.
Dialogue silencieux ? L’histoire de l’être humain est dans sa voix. Son souffle fugitif reste palpable pour qui se donne le temps d’écouter le temps.
L’installation s’organise en huit panneaux thématiques où les bouches, tels des ostraka contemporains, livrent leurs secrets… ou pas.
Lors du vernissage, les visiteurs seront invités à donner une suite à ces panneaux.

« ToiMoiNous, le monde ! », texte de Marianne Guillou

Toutes ces bouches que nous sommes : Sommes-nous ?
Dans le mystérieux mot : celui qui ne s’accroche pas au papier, celui qui s’évanouit dans l’échange.
Dans le mot de l’instant , sommes-nous ?
Souffle sacré, nous partageons la parole. En langues étrangères nous découvrons. Entrelacs de tous les jours, la mélodie humaine « ToiMoiNous » se fredonne : « Pas d’inimitié » dit le chanteur, « How fragile we are » s’ en étonne un autre. En VO, en VF, ou en Technicolor…
La couleur de fond de « ToiMoiNous » est outremer : au delà de la mer.
Outremer : couleur de l’horizon.
A elle s’ajoute le blanc de la porcelaine.
Blanc, couleur de l’écume : mélange de vent et d’eau, lisière lumineuse du mouvement perpétuel.
Puis le noir, noir de l’oxyde et du feu : le noir brun de la terre, le noir de l’ombre.

D’autres couleurs s’annoncent pour la suite de ToiMoiNous, des couleurs que vous pourrez choisir en écrivant sur les pointillés.

Je dédie cette installation à Eliane Nathan Bebe, à la mémoire de sa voix mi-amusée mi-sérieuse ; dans ce lieu où résonnent les mots de Pauline Bebe Cohen, dont certains titrent quelques-un de ces ostraca, comme un écho familier, étranger et poétique.

« ToiMoiNous », texte de Corinne Targat

Le centre Maayan accueille Marianne Guillou pour un dialogue de bouches et d’échos, un jeu de sonorités silencieuses à sentir, à définir et à transmettre. Tels des aphorismes de chair sculptés, les bouches de Marianne donnent à interpréter.

Les murs acoustiques de la grande salle de parole reçoivent ses œuvres comme des offrandes orales, souvent généreuses, parfois tourmentées, toujours absolues. Cet espace né pour faire circuler la parole et lui donner du sens a permis à l’artiste de capturer ces instants de vie exprimée dont les lèvres gardent l’empreinte.
Les références antiques jalonnent le travail de Marianne, ici, les bouches sont comme des ostraca, ces supports d’écriture modestes -éclats de pierre, tesson d’amphore, fragment de mosaïque- qui servaient de support d’écriture pour formuler une idée, un sentiment, un souvenir, une opinion, un vote. Éphémères et fragiles, ces messagers du quotidien se transforment avec l’artiste en témoins de l’indicible de notre époque.

Par ces bouches exposées, Marianne nous parle de l’intime, celui que l’on susurre à l’oreille de l’autre, que l’on clame à la face du monde ou que l’on avoue dans une torsion libératrice. Ces bouches accrochées sont comme des phrases en suspens, certains visiteurs croiront y entendre une confidence, d’autres un assentiment. Ces sons absorbés, ces mots déversés prennent-ils un sens dans notre propre entendement ?
Son travail sur la porcelaine, entre le mat et le brillant, induit le regard vers cette béance sensuelle, la matière et la blancheur animant ces silences expressifs et ces traits charnels. La parole s’est pétrifiée dans cette terre travaillée, les visiteurs sont invités à la découvrir, l’interpréter et lui proposer une suite…ou pas.
A travers ses huit panneaux thématiques, l’œuvre de Marianne nous entraîne vers la parole, seuil de l’univers humain, dans ce qu’elle a de plus fragile, de plus sensible, de plus joyeux et de plus engagé. Rire, chanter, avoir du plaisir, souffrir, et toujours rêver ensemble.