Variations Saudade, contemplations sculptées

Dans notre champ visuel pâture un troupeau de souvenirs.
La saudade est en nous : un lointain magnifié ravivé par le hasard quotidien. C’est “la nostalgie d’une chose vitale” dit Jim Harrison.
Ma saudade est sensorielle, elle se fabrique dans un trop-plein de stimuli puis se concentre en boule de couleurs.

Mon “oeil Saudade” est minéral.

Il est l’attachement au sol,  à la pierre, au rocher.

Il est la terre, l’argile, le kaolin.

Il y a là, dessinés dans la matière, des regards aux contours humains mais aussi un œil animal, velu, primitif, sauvage. Est-ce la nature que je regarde ou bien elle qui m’épie ? Passant de l’œil peint à la boule en relief, l’intrigue s’épaissit : que cache cette boule? Elle semble disproportionnée et pourtant en accords colorés avec son support. Est-ce la fameuse poussière qui suffit à troubler l’œil de l’esprit ?(*) Cette référence à Hamlet me permet de poser puis répondre à la question de fond : de quoi est fait un souvenir ? Est-ce seulement une pensée, quelque chose qui n’est pas palpable physiquement, pourquoi pas un spectre ?
Pour les Variations Saudade, le souvenir est un événement qui existera uniquement par notre volonté à le décrire, à lui donner une forme qui l’inventera.
Dans quelle partie se logera notre vie? Dans le globe rond gorgé de couleurs, ou dessous sur la plaque blanche fine, rigide et pourtant molle, enfin qui semble molle et évoque une zone mouvante tel un champ recouvert de neige dont on ne distingue pas les contours ni la nature du sol. L’œil est l’organe qui nous inscrit à la fois dans le réel et dans la fiction, dans le passé et dans le présent au même instant.

(*) “ A mote is to trouble the mind’s eye”, Hamlet, acte 1, scène 1 William Shakespear