À Propos du thème :
“Le jardin d’Artémis” est né d’une ode à l’acte de glaner la beauté simple de la nature.
Simple geste de récolte, une aiguille de pin, un coquillage remarquable, une graine de thuya bordant le chemin côtier, un coquelicot sur la plage immense d’Omaha Beach, une graine d’acacias dans sa bogue.
Ces petits gestes qui relèvent sans doute d’un ancien schéma ancré en nous, de ce chasseur cueilleur que nous sommes et qui a fait se développer notre observation du monde, notre compréhension du milieu de vie. Ce geste du chasseur
cueilleur, ce glanage d’une forme prélevée dans le milieu naturel, qui relie nos yeux, nos mains et nos chemins nous à permis l’acquisition du savoir, probablement la possibilité de raconter des histoires en voulant transmettre la connaissance. Glaner c’est prendre un morceau de nature peut-être pour le déposer près de soi, le replanter, le diffuser, le faire voyager. Le chasseur cueilleur a modelé son territoire, et nous évoluons dans ce jardin monde.
À propos d’Artémis :
Le titre Le jardin d’Artémis est venu devant les volcans endormi de l’île d’Antiparos, archipel des Cyclades où je séjourne régulièrement.
J’ai rencontré la déesse Artémis grâce à mes recherches sur les liens ancestraux entre l’humain et l’abeille. Une statue de l’Artémis d’Ephèse exposée au musée du Capitole de Rome a notamment déterminé cette recherche vers l’antiquité
grecque. La robe d’albâtre de la statue est en partie recouverte d’abeilles sculptées. Plus tard, sur le terrain, dans les collines d’Antiparos, aux pieds de l’entrée de la grotte, il y avait des ruches, et le chemin pour se rendre à la grotte, à pied, était parsemé de murs à abeilles, d’anciens ruchers fait de pierres sèches, des alvéoles creusées à flanc de colline. Mon récit est né là sur ce terrain à la fois contemporain et berceau de l’antiquité. Depuis cette arrivée de la déesse Artémis dans mon univers apicole, je tisse le lien entre la légende et notre actualité. Qui sont les protectrices de la nature sauvage aujourd’hui ? Qui pourrait figurer une Artémis contemporaine ? Comme il est difficile de choisir un seul visage, je me suis référé à la légende décrivant Artémis entourée de ses suivantes dont le surnom était μέλισσες : Melisses, abeilles en grec.
Mes recherches se portent donc vers des femmes engagées pour la préservation de la biodiversité et de la nature. Ce groupe de “Melisses” se constitue de personnalités que je remarque, que je choisis pour leur action ou leur engagement.
Sharon Wilson est chasseuse de fuites de méthane, son visage, tel une icône devient un portrait de ma nouvelle série Femmes de Climat.
À propos de la lithographie :
Cette série de lithographies rehaussées d’aquarelle sur le thème Le jardin d’Artémis décrit notre lien au paysage, notre attachement à l’histoire qui se construit sur la frise du temps. Le choix de la technique de la lithographie est déterminé par le fait de dessiner sur la pierre, comme nos aînés chasseurs cueilleurs dessinaient sur les parois rocheuses. La lithographie est une technique qui permet d’imprimer plusieurs exemplaires d’un dessin tracé avec un crayon d’encre grasse sur la pierre calcaire. C’est une matrice fragile, sensible, la surface calcaire est très lisse, très douce au touché, elle accroche chaque effleurement du crayon, elle demande beaucoup de savoir faire et de concentration.
L’encre pénètre dans la pierre poreuse, le dessin est ensuite fixé avec une préparation de gomme arabique (sève d’acacias) additionnée de quelques gouttes d’acide nitrique. L’encre grasse est lavée à la térébenthine, puis la pierre est nettoyée à
l’eau et à nouveau encrée pour faire apparaître le dessin et permettre l’impression de la série. Ensuite la pierre est grainée avec du sable de carborundum (charbon et silice) pour effacer le dessin, elle est prête à recevoir un nouveau dessin. Cette
matrice lithographique est donc chargée elle aussi du passé, du temps d’avant. Les pierres sur lesquelles je travaille ont plus de 100 ans, peut-être plus, j’aime ce rapport de savoir faire ancestral, il n’a pas tellement évolué depuis son invention par Aloys Senefelder, les pierres viennent d’Allemagne, à qui serviront-elles après mon histoire?
À Propos du mot jardin :
Un jardin n’est pas une prairie, ce n’est pas un parc, un jardin a une échelle proche de celle de la main plus que de l’échelle du motoculteur ou de la débroussailleuse. Un jardin c’est un enclos, un lieu clos comme quand on parle de jardin secret.
Nous en avons tous un. c’est l’endroit personnel,
Mon intention en utilisant ce mot jardin est d’assembler notre intimité, notre jardin secret, à la notion de paysage, de nature. Gilles Clément parle de jardin planétaire plutôt que de nature. Pour lui le jardin exclu la nostalgie car il est tourné vers le futur, un jardin est toujours en mouvement, “en pousse” , il nous permettrait de nous insérer dans le flux du vivant. Qui dit jardin dit plante, qui dit plante dit sol, qui dit sol fait référence aux quatre saisons, au climat. Cette saisonnalité est peut être en perdition, voire en danger quand on observe de brusques changements de température, des orages dévastateurs comme récemment en Italie en Emilie Romagne?
À cultiver son jardin, nous cultivons le paysage, nous cultivons la couleur, nous créons un territoire d’espérances